« Enfant, j’étais appelé l’"ange du salut". J’ai mis un certain temps à comprendre le sens de ce surnom, je veux dire qu’on me traite comme un ange n’avait rien d’anormal, mais cette histoire de "salut" ?

Au début, je pensais que le rôle qu’ils m’avaient attribués consistait à faire tout ce qu’ils voulaient, que leur "salut" était dans l’obéissance de leur gentil petit ange. Ils me traitaient avec honneur et respect, même s’ils n’hésitaient pas à me faire crouler sous les études et les obligations. Je les aimais, pensant qu’ils me soutiendraient et protègeraient pour toujours, quoiqu’il arrive. Toutefois, je sentais leurs attentes grandir, leurs espérances croître tandis que l’impatience et le désappointement se faisaient de plus en plus sentir.

Le petit ange a alors redoublé d’efforts : Dans ses études, dans ses obligations, dans son comportement, mais toujours le même constat d’échec, de plus en plus cuisant chaque jour, il ne répondait pas à leurs attentes.  Puis vint cette fameuse nuit où, baigné dans la lumière d’une sublime demi-lune, j’eus l’illumination tant désirée sur le sens de cette appelation. Ce fut sous la forme d’une marque au fer rouge et de quelques mots doux prononcés pendant mes cris de douleur "C’est pour ton bien, ainsi tu atteindras le salut.". J’assurerais même leur salut grâce à cette horrible douleur, avaient-ils rajoutés ! Je me suis alors mis à rire à travers cette souffrance intenable et ils m’accompagnèrent, témoins du succès de ma renaissance.

Ils brûlèrent tous de ma main le lendemain "Par mon feu sacré, je vous libère de votre enveloppe charnelle. Ainsi vous connaîtrez le salut éternel ! ". Ces idiots m’ont souri en se faisant dévorer par les flammes, ces créatures inférieures qui m’avaient attribués les clés de leur bonheur. Mais, contrairement aux autres humains, elles étaient assez intelligentes pour se rendre compte qu’elles ne pouvaient l’atteindre de leurs mains maladroites et de leurs décisions sans sens. Ils savaient que leur libre-arbitre n’était qu’une source de malheur. Ils m’avaient appris que le salut ne peut s’obtenir sans sacrifices et comptaient sur moi pour choisir quels sacrifices étaient appropriés. Ce fut leur vie~ Un mal nécessaire pour que j'ai la possibilité de sauver d’autres personnes de leur propre stupidité tout en leur assurant une mort heureuse.

Ayant hérité de la fortune de ce groupe et considéré comme le seul survivant de ce "tragique accident", je n’ai pas eu de mal à trouver un foyer, ni d’en changer suite à d’autres malheureux accidents~  Le jeune moi n’avait que peu de patience et des solutions trop radicales pour arrêter l’incessant ballet d’autodestruction des êtres humains. Avec le temps, j’appris l’art d’apporter le salut aux gens de manière plus discrète. Tout d’abord, décider de ce qui pourrait leur apporter le bonheur, ensuite éliminer méthodiquement tout ce qui détourne ou pourrait détourner la personne de cette chose. Bien souvent l’obstacle principal était eux-mêmes et je devais alors leur faire comprendre à quel point tout autre désir était ridicule, soit par des exemples grandeur nature, ou simplement en leur montrant quel choix était le bon, comment faire bon usage de leur vie, bien pitoyable et inutile sans mes précieuses leçons.

J’ai grandi ainsi, au service des autres, leur assurant le bonheur tout en recevant les honneurs qui m’étaient dûs, et je suis naturellement devenu détective privé. Quoi de mieux après tout pour se mêler de la vie des gens en toute impunité ? C’était la position idéale pour manipuler la vérité ou monter des choses de toutes pièces afin de faire comprendre aux gens quels chemins ils devaient emprunter. J’avais une grande liberté et je dois dire que je m’amusais beaucoup, mais ce n’est rien comparé au frisson de l'aventure et de l'inconnu que je ressens ici !

Vous vous demandez sûrement comment un détective génial tel que moi a pu finir menotté, n’est-ce pas ? Eh bien c’est une histoire assez amusante~ Je brisais les os d’un tueur en série en commençant par les jambes bien sûr, qu’il ne puisse pas s’enfuir. Je l’avais menotté mais laissait ses cris résonner dans ce sous-sol obscur où il n’avait jusqu’alors qu’entendu les cris de ses victimes. Tant de personnes mortes pour le désir autodestructeur d’un homme, c’était d’un tel gâchis que je m’amusais beaucoup à entendre ses cris. Si au moins il avait pu en être heureux, j’aurais accepté si sa disparition n’était pas une condition du salut d’un de mes clients. Je pensais juste lui faire comprendre que sa douleur ou celles des autres ne le satisferait jamais vraiment et qu’il devrait se concentrer sur sa famille uniquement, s’il ne voulait pas avoir à protéger sa femme et sa fille de moi avec ses 4 membres dans le plâtre : De la gentille petite intimidation pour lui rappeler ce qui devrait être ses priorités et à quel point il les met actuellement en danger.

Le plan était ensuite de le faire craquer pour qu’il arrête son activité tout en faisant croire à mon client que je l’avais "malheureusement" tué au cours de mes fonctions. Une surprise perturba mes plans, ce qui m’a réjoui, parce que les surprises sont le piment de la vie, mais m'a aussi laissé un arrière-goût amer, un goût de fer dans la bouche pour ainsi dire. Je fus transpercé dans le dos, un peu à gauche du cœur, par une femme qui, vu sa ressemblance avec l’épouse du tueur, me montrait qu’il me manquait un élément crucial. Penser que même elle s’était dévoyée à ce point du droit chemin, je ne pus me retenir de rire en tombant suite au coup, puis je me suis évanoui un court instant en cognant ma tête, suffisamment pour me retrouver menotté à la place du tueur. Je me suis alors dit que j’avais bien fait de caler ma grenade sous le col de mon manteau pendant que je tombais, j’ai ensuite pensé que c’était de toute manière une habitude pour moi de prendre de bonnes décisions, contrairement à ces humains stupides, puis j’ai dégoupillé la grenade, l’ai fait tomber de mon haut en me levant et suis allé monter les marches aussi vite que j’ai pu en profitant de la panique, sachant que cette femelle stupide chercherait à sauver son mari estropié ahaha.

Je suis sorti de la maison en bien mauvais état et suis malencontreusement tombé dans le fleuve jouxtant la rue. Il semblerait qu’il m’ait amené dans ce nouveau terrain de jeu pour mes talents, une preuve de plus que tout me sourit~ »
Discours préparé mentalement par Tenshi dans l’éventualité d’une rencontre avec une âme perdue.